| NOTA DE RESUMEN |
Peut-être les polémiques parisiennes sur la France moisie, honteuse, raciste, collaboratrice ou encore pétainiste nous seront-elles épargnées quelque temps. Car il faut vraiment être aveugle ou hypocrite pour laisser entendre que la France aujourd'hui ne s'aime plus, qu'elle a honte de son histoire et de son passé et qu'elle ne vit que dans le prisme de la culpabilité de toutes les horreurs passées dont elle ne cesse de s'accuser. D'ailleurs, depuis quand renierait-elle son histoire ? Depuis la monarchie, depuis la Révolution, depuis Napoléon, depuis la Première Guerre mondiale, depuis la Seconde? Et, par contraste, depuis quand serait-elle devenue grandiose, sûre d'elle-même, certaine de disposer de l'universel à l'usage de toutes les nations? Depuis l'Ancien Régime, 1789, l'Empire, la IIIe République, les tranchées? La France, un pays qui ne s'aime pas? Épargnons-nous ces polémiques qui frisent le ridicule alors que l'on se réunit autour d'un consensus républicain renouvelable de jour en jour. Contrairement aux scénarios les plus apocalyptiques, la France croit toujours à son exceptionnalité. Elle n'a pas cédé à une Europe postnationale, elle n'a pas cédé à l'hégémonie américaine et à ses velléités impériales, et elle entonne ce consensus républicain inimitable qui laisse entendre au monde entier, au cas où il l'aurait oublié, que les droits de la République sont individuels et non pas communautaires... <br/>L'exception française se porte mieux que jamais. Mais de quoi parle-t-on avec cette expression? Évoque-t-elle la nation, la culture politique nationale ou la capacité à entrer dans l'histoire du monde qui se profile? Aujourd'hui, la France bombe le torse, elle en appelle à ses privilèges historiques, mais elle reste incapable de se situer dans l'histoire telle qu'elle se déroule. Qu'en est-il de la République sur le plan de la politique internationale ou celui de la globalisation économique? Pour l'international, le voyage du président chinois a laissé pantois les défenseurs les plus timorés des droits de l'homme. La politique volontairement multilatéraliste défendue par la France après la guerre en Irak et les injonctions faites aux Américains devraient-elles faire de nous des serviteurs zélés de l'Empire chinois? Le multilatéralisme ne saurait légitimer des alliances ambiguës avec la Chine et la Russie. Certes, quelques mots furent lâchés discrètement sur les droits de l'homme, mais au milieu de quel silence de plomb sur la nature dictatoriale du régime! Nos partenaires commerciaux seraient-ils au-dessus de tout soupçon? N'avons-nous pas à jouer le rapport de force avec eux? <br/>Sur le plan économique et social, on laisse filer les réformes d'hier pour d'autres, destinées à activer la croissance et l'emploi, mais sans imaginer une architecture des droits individuels et des garanties collectives, repensée dans le nouveau contexte de croissance économique. Bref, on privatise, on libéralise à outrance, on inverse le cours des réformes tout en sachant que le contrôle de l'économie mondialisée n'est pas une simple affaire de régulation. Les lois “Perben 2”, critiquées d'emblée dans cette revue en raison de leur flou et de leur incapacité d'avancer des principes clairs, manifestent les mêmes retours de bâton. La France républicaine joue à se remettre en selle, mais elle joue dangereusement avec l'esprit de la République. <br/>Au total, c'est la pression politicienne et les coups de force, du style de la défense élyséenne d’Alain Juppé, qui exacerbent les querelles internes et les luttes entre partis. Mais savoir ce qu'il en est du rôle de la France dans le monde n'intéresse personne. Car le consensus majoritaire est là, et bien là: le modèle français se porte à merveille, l'Europe se porte mal, on fait la leçon aux États-Unis et on croit pouvoir se passer des relations transatlantiques. Il ne faut pourtant pas tout mélanger : défendre la politique française, défendre le modèle français, défendre la conception politique de la France exige d’avoir une vision de l'histoire ne consistant pas à se cacher derrière la grandeur gaullienne pour mieux sacrifier aux seuls rapports de force. On n'en est plus à retrouver l'honneur perdu du pays, mais à lui demander de tenir sa place dans un monde dont il ne maîtrise pas l'histoire. Ce décalage inavouable, car recouvert par des embardées triomphalistes, ne peut que favoriser les coups de force politiciens et le volontarisme aveugle. <br/>La France au rythme du monde: une telle formule n'a guère de sens si l'indifférence au reste du monde, contrepartie d'une volonté hautaine de marquer la différence française, prime sur tout le reste. (Font: Editorial) |
| Sumario |
Éditorial La France trop sûre d’elle-même -- La ville à trois vitesses: Introduction : Villes à plusieurs vitesses et économie d'archipel / Jacques Donzelot, Olivier Mongin -- 1. Refaire ville en France?: La ville à trois vitesses : relégation, périurbanisation, gentrification / Jacques Donzelot -- L'espace périurbain : un univers pour les classes moyennes / Marie-Christine Jaillet -- Encadré : Gentrification: le tabou français / Catherine Bidou-Zachariasen -- Que reste-t-il du projet social de la politique de la ville? / Christine Lelévrier -- Encadré: La politique de la ville : un bilan en demi-teinte. (Entretien) / Dominique Figeat -- Quel avenir pour les périphéries urbaines? / Philippe Estèbe -- Discrimination positive et quartiers pauvres : le malentendu franco-américain / Thomas Kirszbaum -- Encadré : Les lieux, les gens et les chiffres. Quels outils statistiques pour comprendre les évolutions urbaines? (Entretien) / Éric Maurin -- La mixité urbaine est-elle une politique ? / Table ronde avec Daniel Béhar et al. -- 2. Ville et mondialisation: L'étalement de la ville américaine. Quelles réponses politiques? / Cynthia Ghorra-Gobin -- Encadré: La gentrification comme stratégie urbaine globale / Neil Smith -- Une métropole des marges de la mondialisation. L'exemple du Caire / Leïla Vignal -- La mondialisation et les métamorphoses de l'urbain. Mégacités, "villes globales" et métropoles / Olivier Mongin -- 3. Ville et démocratie: L'art de marcher dans la ville / Thierry Paquot -- L'expérience de la ville démocratique / Olivier Mongin -- L'Europe: civilisation urbaine / Claude Lefort -- Vers la ville globale: monument, machine, réseau / Marcel Hénaff -- Journal: Justice: mutations et bégaiements / Thierry Pech -- Loi sur le voile: la clarification a-t-elle eu lieu? / Jean-Louis Schlegel -- Régionales: vers le solde des comptes du chiraquisme / Michel Marian -- Le président et l'empereur de Chine / Jean-Philippe Béja -- Tony Blair, l'Irak et la BBC / Alexis Tadié -- La cohabitation à l'anglaise / Régis Changeart -- Haïti et la "politique identitaire" / Vincent Bloch -- Promenade à Vaux-le-Vicomte / Georges Baguet -- Retour à Kotelnitch, d'Emmanuel Carrère / Claude-Marie Trémois -- Incendies, de Wajdi Mouawad / Jean-Paul Louis -- Reprendre son souffle. De Rainald Goetz à Bernard-Marie Koltès / Olivier Mongin -- Repères: Coup de sonde : Destins du pur amour / Jean-Claude Eslin -- Lire couramment : George Orwell / Claude Habib -- On parle à la télé : Échanger des regards / Stéphane Breton -- Librairie -- Brèves -- En écho -- Avis |
